Il était noir. Il était intellectuel. Il était martiniquais. Il était algérien. Pour le commun des mortels, ce serait dur d’être ou de devenir tout cela à la fois en l’espace de 37 ans.
Et ce n’est pas du tout évident de le devenir pour la plupart d’entre nous, quelle que soit notre espérance de vie. Ce défi, Frantz Fanon l’a relevé magistralement. Il a réussi à être beaucoup plus que cela durant sa courte et intense vie d’homme-combat.
En tant que Martiniquais lié à la France par l’histoire et la colonisation, il avait porté le fardeau de l’esclavagisme, du racisme et le complexe de son propre peuple qui refusait son appartenance noire ou simplement son métissage aux noirs. L’homme qui bouillonnait en lui- car Fanon maudissait ces humains passifs qui subissent sans bouger le petit doigt - se démarque du colonisateur raciste français et du colonisé qui se lamente sur son sort et son passé d’esclave au lieu d’agir. Fanon va vers l’homme au sens universel comme le souligne Francis Jeanson, philosophe français et animateur de réseau de soutien au FLN qui porte son nom : « Son message est pénétrant. Il a travaillé le sens, c’est pour cela qu’il a touché à l’universalisme ».
La révolution et la dignité de l’humain habitaient l’esprit du médecin. Hautement politisé qu’il était, sa rencontre avec la révolution algérienne n’a fait que mettre en pratique sa vision libératrice des peuples. Réda Malek, membre de la délégation des accords d’Evian et ex premier ministre, dira de son côté que Fanon avait établi un lien entre son travail de psychiatre et les conditions dans lesquelles vivaient l’ensemble des Algériens. Il dira que les méthodes modernes de psychiatrie ne peuvent pas s’appliquer sur un peuple dominé. Ayant été psychiatre à Blida, Fanon a pu à travers le traitement des malades mentaux à mettre à nu l’apartheid exercé par la France coloniale à l’égard des indigènes algériens.